La Chine a longtemps nié l’existence de camps de « transformation par l’éducation » pour musulmans dans le Xinjiang. À présent, elle annonce que tout est en ordre puisqu’une loi les autorise.
Massimo Introvigne
Bitter Winter fait partie des premiers médias à couvrir amplement les camps de « transformation par l’éducation », lesquels abriteraient 1,5 million de pensionnaires en Chine, des dissidents religieux pour la plupart. Un million de ces personnes internées sont des musulmans, pour la majorité des Ouïghours et des Kazakhs originaires du Xinjiang. La terminologie employée prête à confusion et la Chine s’en sert à des fins de propagande à son avantage. Depuis que les laojiao (劳动教养 ou 劳教), les camps de « rééducation par le travail », ont été abolis en Chine en 2003, le régime a pourfendu la critique en arguant qu’elle se fondait sur d’anciennes informations. Et pourtant, les laojiao ont été remplacées en réalité par les jiaoyu zhuanhua (教育转化), les camps de « transformation par l’éducation » qui sont pires encore que les premiers. Ce ne sont pas des écoles. Il s’agit de camps de concentration où les victimes qui regimbent contre la « déprogrammation » forcée de leur foi sont torturées, et parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Les nouveaux camps étaient également illégaux. Ils n’avaient aucun fondement en droit chinois. Cependant, le 10 octobre 2018, le Parti communiste chinois (PCC) a annoncé que ces questions avaient été tranchées, vu qu’un nouveau Règlement modifié sur la lutte contre l’extrémisme a été édicté et publié par le 13e Comité permanent du Congrès populaire de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang. Ce règlement légalise et normalise la pratique qui consiste à détenir dans des camps de « transformation par l’éducation » les « personnes affectées par des pensées extrémistes » ; c’est-à-dire, au sens du PCC, les religieux qui n’acceptent pas de renoncer à leur foi. Toutefois, ce règlement ne légalise que les camps basés dans le Xinjiang, bien qu’il en existe également en dehors de la « région autonome », qui accueillent des dissidents religieux et politiques autres que les musulmans.
Une autre disposition du nouveau règlement, selon l’annonce du PCC, « abroge toutes les dispositions antérieures mentionnant le niveau de punition correspondant à divers types d’infractions et leur gravité. Par le passé, lorsque les faits reprochés étaient relativement légers, les contrevenants étaient réprimandés par le département de la sécurité publique. Le règlement modifié donne aux autorités la faculté d’infliger des peines plus sévères aux contrevenants. »
Ceci signifie que plus d’« extrémistes » religieux, un concept emprunté à la Russie et renvoyant aux membres de toutes les religions non approuvées et contrôlées par le PCC, peuvent désormais être détenus dans les camps ou même recevoir des peines « plus sévères ».